Un petit rappel pour commencer :
Ce sont les lois Guizot de 1833 qui ont fixé entre autres les bases d’un enseignement primaire : toute commune est tenue, soit par elle-même, soit en se réunissant à une ou plusieurs communes voisines, d’entretenir au moins une école primaire élémentaire.Tout individu âgé de dix-huit ans accomplis pourra exercer la profession d’instituteur primaire, à condition de présenter au maire un brevet de capacité et des garanties de bonne moralité.
C’est ainsi que bien avant les lois de Jules Ferry en 1882 instituant un enseignement obligatoire et laïc, bien avant la construction du bâtiment actuel, il y avait dans notre bourg une école publique .
Les informations qui vont suivre sont pour la plupart issues des délibérations du conseil municipal à partir de 1830. Roger Malterre et Jean-Pierre Le Gall ont avant moi exploré ce domaine et je ne fais qu’approfondir et illustrer leurs recherches.
Commençons en 1830, à la fin du règne de Charles X .
Le maire de la commune, nommé en avril par le préfet, est Gilbert Annet Louis Antoine de Courthille, succédant à François Jean son frère décédé. La révolution semble bien loin et ce n’est pas très étonnant si les premières délibérations concernent l’achat de la maison curiale et ses dépendances à Gilbert Faure du Fresse pour la somme de 3800 F. On prévoit en plus 1300 F de réparations, ce qui fait un endettement important , mais au moins le logement du vicaire est assuré pour quelques années. Par contre, la lettre du Préfet rappelant les lois relatives à l’enseignement primaire n’est pas très bien accueillie : ” les réparations à la maison curiale ne permettent pas d’assurer un sort à l’instituteur “.
Après les émeutes de juillet et l’avènement de Louis Philippe instauré le 9 août , Gilbert de Courthille démissionne le 10, remplacé par Gilbert Felix Picon de Bonlieu.
La première école publique .
Après l’adoption des lois sur l’enseignement, le conseil se réunit le 19 aout 1833 pour étudier la création et l’entretien d’une école primaire élémentaire. Il se trouve en effet que le nommé Mazetier Pierre, agé de 23 ans, breveté et déjà autorisé pour la commune, pourrait très bien être nommé instituteur public. Cerise sur le gâteau, pas besoin de lui chercher un logement ni un local convenable, tout se passera chez lui !

Philibert Mazetier, le père de l’instituteur était propriétaire de cette maison. C’était une supérette des temps anciens, épicerie, mercerie, débit de tabacs et de plus école !
A l’unanimité, le conseil décide de le proposer pour l’année 1834 et lui accorde un traitement de 220 F ! De plus une rétribution scolaire mensuelle de 1F25 sera versée par les élèves non indigents . Et le conseil dresse ensuite une liste de 21 élèves classés indigents pour qui l’enseignement sera gratuit ! On y trouve des garçons agés de 7 à 17 ans, orphelins, estropiés, enfants naturels, mais pas de filles : il s’agit donc bien d’une école publique de garçons !
Avec l’accord immédiat du sous-préfet , notre première école publique semblait sur de bons rails. Mais le problème du financement revenait tous les ans : ainsi en 1837, lorsque le comité supérieur d’instruction primaire propose d’augmenter la rétribution scolaire et de fixer à 60 francs l’indemnité pour la maison.
Grande émotion au sein du conseil : l’un propose 50 F, 2 autres vont jusqu’à 30 F en estimant que l’instituteur a l’énorme avantage de pouvoir surveiller son petit commerce de mercerie épicerie depuis sa classe, mais la majorité se limite à 20 F et propose même de le loger pour encore moins au château du Mazeau qui possède des salles bien plus grandes et bien aérées !
Le 9 mai 1841, le conseil reconnaissant que Pierre Mazetier vient souvent au secours du maire en lui servant de secrétaire, décide de lui accorder une augmentation : la rétribution scolaire passe de 1,25 F à 1,5 pour les débutants ( lecture écriture ) et 2 F pour les plus avancés. Malgré ce bel élan de générosité, l’instituteur démissionne le 3 octobre 1841.
Ayant appris la démission de Pierre Mazetier, l’ instituteur du Chauchet Jean Lefaure, âgé de 21 ans mais qui présente toutes garanties en matière de capacité et moralité, se propose : il est adopté aussitôt à l’unanimité par le conseil municipal.
Cependant, il reste un gros problème à régler , c’est celui des locaux, d’autant plus que Jean-Baptiste Malterre qui louait depuis un an une chambre à l’étage de sa maison annonce la fin du bail pour octobre 1842 !
Cette maison se trouve en face de l’église ( actuelle maison Debellut-Marsallon ) et c’est peut-être la proximité qui entraîne des conflits : un conseiller rapporte en mai 1842 que le desservant est rentré dans la salle de classe pour battre des élèves !
Considérant la difficulté du métier, le conseil décide alors d’augmenter la rétribution scolaire mensuelle :
* 1F25 pour apprentissage de la lecture.
* 1F50 pour lecture et écriture.
* 2 F pour le programme complet d’enseignement primaire.
En ce qui concerne les locaux, le conseil envisage alors plusieurs options :
* Achat d’une maison qui ferait salle de classe et logement de l’instituteur, mais achat limité à 2400 F .
* Construction neuve sur un terrain communal appelé le coudert, parcelle 992.

Mais, pour la somme de 90 F, l’architecte Barrat fournit des plans et en même temps un devis de 5200 F qui refroidit l’assemblée.

Finalement, le maire est chargé de trouver une maison affermée pour environ 75 francs, capable de contenir les élèves et le matériel. Et c’est la maison du maçon Antoine Tabard, maison qui n’existe plus au numéro 77 qui est l’heureuse élue et qui sera donc école publique à partir de février 1843. |
Petite indication : sur ce plan cadastral de 1820 , au n° 7 se trouve l’actuelle maison de Lionel Grosvallet, rue de l’Epaillard.
Cette maison Tabard n’est pas bien adaptée mais avec un loyer de 72 F, argument convaincant pour plusieurs membres du conseil, elle fera fonction jusqu’en 1858.
Il est bon de rappeler que pour certains conseillers , l’école publique n’est pas vraiment une priorité. La création de routes, de ponts, l’entretien des chemins sont autrement plus importants, d’autant plus qu’il existe dans le bourg des écoles privées. Pourtant un crédit de 40 F est accordé en mai 1844 pour fournitures scolaires, et en mai 1845, pour un total de 27 F, on achète un tableau système métrique, un mètre, un compas, une boussole et 5 tableaux de lecture.
Et quelques années plus tard, en août 1850, quand demoiselle Chabredier se propose pour devenir institutrice communale, le conseil lui accorde un traitement de 50 F, en souhaitant une rallonge de la Préfecture. Il faut dire que le transfert du cimetière , l’élargissement de la grande route et la création de nouveaux chemins ont mis à mal les finances communales.
Août 1858 , le maçon migrant Antoine Tabard demande à récupérer sa maison. Et par un heureux hasard, la maison voisine ( n° 80 sur le plan ) appartenant à Vincent Luzier est libre !
Assez spacieuse pour accueillir l’école, le logement de l’instituteur et la salle de réunions pour le conseil. Le loyer de 200 F est jugé exhorbitant mais l’occasion est trop belle et tout le monde déménage, y compris l’instituteur Jean Lefaure.

Sur cette photo, je pense que l’école se trouvait dans les constructions en arrière plan.
En février 1859, la rétribution scolaire mensuelle reste fixée à 1F 50 par élève et le total annuel encaissé directement par l’instituteur est de 552 F . En nous basant sur 8 mois de fréquentation , et une douzaine d’indigents, on peut estimer un effectif d’environ 55 élèves. N’oublions pas qu’il y avait 1700 habitants dans la commune mais aussi des écoles libres dont deux pour les filles !
D’ailleurs Madame Vallade, institutrice privée demande en 1860 à être nommée institutrice communale. A la même époque le Sous-Prefet invite le conseil à créer une école de filles
Le décès de Vincent Luzier en 1863 entraîne un changement de propriétaire : il faut encore déménager, mais cette fois une occasion se présente avec la vente judicière de la maison de Jean Gasne, récente, grande , bien située, le maire Charles de Couthille insiste pour que la vente se fasse au profit de la commune.

Il faut réunir des fonds, et en accord avec les 10 plus gros contribuables, le conseil vote en impôt extraordinaire de 6000 F. L’architecte donne un avis défavorable, mais le sous-prefet soutient le maire et la maison est acquise le 15 fevrier 1865. Dans ces transactions, on retrouve l’opposition constante entre deux familles qui se succèdent à la mairie au cours du siècle : les De Courthille de La Voreille et les Picon de Bonlieu.
A la rentrée d’octobre 1865 les élèves intègrent la nouvelle école sous la direction de deux maitres : Jean Lefaure et Philippe Lavaud.
Avec quelques réparations et agrandissements ( les latrines au fond du jardin ) cette maison remplira son rôle jusqu’en 1890, date de l’inauguration de l’école actuelle.
En avril 1872, devant l’insistance du Sous-Prefet qui demande la création d’une école de filles, le conseil donne enfin son accord, mais il accorde un traitement fixe de seulement 35 F et une indemnité de logement de 30 F en supposant que la rétribution scolaire fasse le complément nécessaire. Un crédit de 300 F est tout de même voté pour réparations dans la salle de classe à l’étage de l’école des garçons.